La logique
La logique est un système de règles au moyen
desquelles on discerne ce qui est bon d’avec ce qui est défectueux, tant dans
les p.150 définitions
employées pour faire connaître [1]
ce que sont les choses [2],
que dans les arguments qui conduisent à des propositions affirmatives (ou
jugements). Expliquons cela : la faculté perceptive a pour objet les
perceptions obtenues par les cinq sens ; elle est commune à tous les
animaux tant irrationnels que doués de raison, et, ce qui fait la différence
entre les hommes et les autres animaux, c’est la faculté d’apercevoir les
universaux, idées qui s’obtiennent par le dépouillement (ou abstraction) de
celles qui proviennent des sens. Voici (comment cela se fait) :
l’imagination tire, des individus d’une même classe [3],
une forme (ou idée) qui s’applique également à eux tous, c’est‑à‑dire un
universel ; ensuite l’entendement compare cette catégorie d’individus avec
une autre qui lui ressemble en quelques points et qui est composée aussi
d’individus d’une même classe, et aperçoit ainsi une forme *109 qui s’adapte
à ces deux catégories, en ce qu’elles ont de commun. Il continue cette
opération de dépouillement jusqu’à ce qu’il remonte à l’universel, qui ne
s’accorde avec aucun autre universel, et qui est, par conséquent, unique.
Ainsi, par exemple, si l’on dépouille
l’espèce humaine de la forme qui l’embrasse en entier, afin de pouvoir
envisager l’homme comme un animal ; puis, si on enlève à ces deux classes
d’êtres leur forme commune afin de pouvoir les [4]
comparer avec les plantes [5],
et que l’on poursuive ce dépouillement, on arrivera au genre le plus élevé (de
la série), c’est‑à‑dire à la matière qui n’a rien de conforme avec aucun autre
universel. L’intelligence, ayant poussé jusqu’à ce point, suspend l’opération
de dépouillement.
Disons ensuite que Dieu a créé la
réflexion dans l’homme afin que celui-ci ait la faculté d’acquérir des
connaissances et d’apprendre les arts. Or les connaissances consistent, soit en
concepts (ou simples p.151 idées),
soit en affirmations (ou propositions). Le concept, c’est la perception
des formes des choses (littéralement : des
formes des quiddités), perception
simple qui n’est accompagnée d’aucun jugement. L’affirmation, c’est,
l’acte par lequel on affirme une chose d’une autre. Aussi, quand la réflexion
essaye d’obtenir les connaissances qu’elle recherche, ses efforts se bornent à
joindre un universel à un autre par la voie de la combinaison, afin d’en tirer
une forme universelle qui soit commune à tous les individus qui sont du
dehors, forme recueillie par l’entendement et faisant connaître la quiddité (ou nature) de ces individus,
ou bien elle (la réflexion) juge d’une chose en la comparant avec une autre.
Cette dernière opération s’appelle affirmation et revient en réalité à
la première ; car, lorsqu’elle a lieu, elle procure la connaissance de la
nature réelle des choses, ainsi que cela est exigé par la science qui s’occupe
des jugements. Ce travail de l’entendement peut être bien ou mal dirigé ;
aussi a‑t‑on besoin d’un moyen qui fasse distinguer la bonne voie de la
mauvaise, de sorte que la réflexion *110 prenne la bonne quand elle cherche à
obtenir [6]
des connaissances. Ce moyen se trouve dans le système de (règles qui se nomme)
la logique.
Les anciens traitèrent d’abord ce sujet
par pièces [7]
et par morceaux, sans chercher à en régulariser les procédés et sans essayer de
réunir ni les questions qu’il traite ni les parties dont il se compose. Ce
travail ne se fit qu’à l’époque où Aristote parut chez les Grecs. Ce philosophe
l’accomplit et plaça la logique en tête des sciences philosophiques, afin
qu’elle leur servît d’introduction. Elle s’appela, pour cette raison, la science première. L’ouvrage
qu’Aristote lui consacra s’intitule Kitab el‑Fass (le joyau) [8] ;
il se compose de huit livres, p.152 dont quatre ont pour sujet la forme
(ou théorie) et cinq [9]
la matière (ou application) du
syllogisme.
Pour comprendre cela, il faut savoir que
les jugements qu’on cherche à se former sont de plusieurs espèces [10] :
les uns sont certains, par leur nature, et les autres sont des opinions plus ou
moins probables. On peut donc envisager le syllogisme (sous deux points de
vue : d’abord) dans ses rapports avec le problème dont il doit donner la
solution, et alors on examine quelles sont les prémisses qu’il doit avoir dans
ce cas, et voir si la réponse qu’on cherche appartient à la catégorie de la
science ou à celle de la spéculation ; ou bien on le considère, non pas
dans les rapports qu’il peut avoir avec [11]
un certain problème, mais dans le mode de formation qui lui est particulier.
Dans le premier cas, on dit du syllogisme qu’il s’envisage sous le point de vue
de la matière, c’est‑à‑dire de la
matière qui donne naissance au résultat qu’on cherche, résultat qui peut être,
soit une certitude, soit une opinion. Dans le second cas, on dit que le
syllogisme s’envisage sous le point de vue de la forme et sous celui de la manière de sa construction en général.
Voilà pourquoi les livres de la logique
(l’Organon) sont huit en nombre. Le premier traite des genres supérieurs,
genres au‑dessus desquels il n’y en a point d’autre, et que l’on parvient à
connaître en écartant les (formes des) choses sensibles qui se trouvent dans
l’entendement. Ce livre a pour titre Kitab
el‑Macoulat (le livre des prédicaments ou catégories). Le second a pour sujet les jugements affirmés et leurs espèces.
Il se nomme Kitab el‑Eïbara (livre de
l’expression, hermeneia). Le troisième traite du syllogisme (kïas)
en général
*111 et du mode de sa formation. Il s’appelle Kitab el‑Kïas (livre de p.153 l’analogie ou premiers analytiques). Il est le dernier de ceux dans lesquels la logique s’envisage quant à sa
forme. Le quatrième est le Kitab el‑Borhan
(livre de la démonstration, les derniers
analytiques). Il traite du syllogisme qui produit la certitude, montre
pourquoi les prémisses du syllogisme doivent être des vérités certaines, et
fait connaître d’une manière spéciale les autres conditions dont l’observance
est de rigueur quand on veut arriver à la certitude. Ces conditions y sont
nettement indiquées : ainsi, par exemple, les prémisses doivent être (des
vérités) essentielles et premières. Dans ce même livre, il est question des
connaissances et des définitions. Selon les anciens (philosophes), ces
matières y ont été traitées spécialement parce qu’elles (les prémisses)
s’emploient pour obtenir la certitude, et cela dépend de la conformité de la
définition avec la chose définie, conformité qu’aucune autre condition ne
saurait remplacer. Le cinquième livre s’intitule Kitab el‑Djedl (livre de la controverse, les topiques). Il indique le
genre de raisonnement qui sert à détruire les propositions captieuses, à
réduire au silence l’adversaire et à faire connaître les arguments probables
dont on peut faire usage. Pour mener à ce but, le même livre spécifie quelques
autres conditions indispensables. Il indique aussi les lieux d’où celui qui s’engage dans une discussion doit tirer ses
arguments, en désignant le lien qui réunit les deux extrêmes du problème qu’il
s’agit de résoudre, lien qui s’appelle le terme
moyen. On trouve dans ce même traité ce qui regarde la conversion des
propositions. Le sixième livre est intitulé Kitab
es‑Sofista (livre du sophisme, réfutation
des sophistes). Le sophisme est
l’argument dont on se sert pour démontrer ce qui est contraire à la vérité et
pour tromper son adversaire ; il est mauvais quant à son but et à son
objet, et, si on l’a pris pour le sujet d’un traité, cela a été uniquement
pour faire voir ce que c’est que le raisonnement sophistique et pour empêcher
l’auditeur de donner dans ce piège. Le septième livre est le Kitab el‑Khatâba (livre de l’allocution,
la rhétorique). Il indique le (genre de) raisonnement que l’on doit employer dans
le but de passionner son auditoire et de l’entraîner à faire ce qu’on veut p.154 obtenir
de lui. Il fait aussi connaître les formes du discours qu’il faut lui tenir
pour cet objet. Le huitième livre est le Kitab
es‑Chïar (livre de la poésie, la poétique). Il montre le procédé analogique qui
fait trouver des comparaisons et des similitudes servant, d’une manière *112 spéciale,
à porter les hommes vers une chose ou à les en éloigner ; il indique aussi
les raisonnements qui s’y emploient et qui se tirent de l’imagination. Voilà
les huit livres de logique reconnus par les anciens.
Plus tard, quand on eut ramené cet art à
un système régulier et bien ordonné, les philosophes [12]
d’entre les Grecs sentirent la nécessité d’un ouvrage traitant des universaux,
au moyen desquels on acquiert la connaissance des formes qui correspondent aux
choses (littéral. « aux quiddités ») du dehors, ou bien aux parties de ces choses, ou bien à leurs
accidents. Il y a cinq universaux : le genre, l’espèce, la
différence [13],
la propriété et l’accident général. Pour réparer cette omission, ils
composèrent (c’est‑à‑dire Porphyre composa) un traité spécial qui devait
servir d’introduction à cette branche de science. Ce fut ainsi que le nombre
des livres (qui forment l’Organon) se trouva porté à neuf. On les traduisit (en arabe) quand
l’islamisme était déjà établi, et les philosophes musulmans entreprirent d’en
faire des commentaires et des abrégés. C’est ce que firent El-Farâbi, Ibn Sîna
(Avicenne) et, plus tard, Ibn Rochd (Averroès), philosophe espagnol [14].
Le Kitab es‑Chefa d’Ibn Sîna renferme
l’exposition complète des sept sciences philosophiques [15].
Les savants d’une époque plus moderne
changèrent le système conventionnel de la logique, en ajoutant à la partie qui
renferme l’exposition des cinq universaux les fruits qui en dérivent, c’est‑à-dire
le traité sur les définitions et les descriptions [16],
traité qu’ils p.155
détachèrent du Livre de la
Démonstration. Ils supprimèrent le Livre
des Prédicaments pour la raison que ce traité n’est pas spécialement consacré
aux problèmes de la logique et qu’il ne les aborde que par hasard. Ils
insérèrent dans le Livre de l’Expression le
traité de la conversion des propositions, bien que, chez les anciens, il fît
partie du Livre de la Controverse. Cela
eut lieu pour la raison que ce traité est, à quelques égards, une suite du
livre qui a pour sujet les jugements. Ensuite ils envisagèrent le syllogisme
sous un point de vue général, comme moyen (pratique) d’obtenir la solution des
problèmes, et abandonnèrent l’usage de le considérer quant à sa matière
(c’est‑à‑dire comme une simple théorie). Aussi laissèrent‑ils de côté cinq
livres : ceux de la Démonstration, de
la Controverse, de l’Allocution, *113 de
la Poétique et du Sophisme. Quelques‑uns d’entre eux ont
pris connaissance de ces livres, mais d’une manière très superficielle ;
(et nous pouvons dire qu’en général) ils les ont négligés au point qu’ils
semblent en avoir ignoré l’existence. Ces traités forment cependant une partie
importante et fondamentale de la logique.
Plus tard, (les docteurs) commencèrent à
discourir très longuement sur les ouvrages de cette classe, et, dans leurs
dissertations prolixes et diffuses, ils envisagèrent cet art, non pas comme
l’instrument au moyen duquel on obtient des connaissances, mais comme une
science sui generis. Le
premier qui entra dans cette voie fut Fakhr ed‑Dîn Ibn el‑Khatîb ; le
docteur Afdal ed‑Dîn el‑Khouendji [17]
suivit son exemple dans plusieurs écrits qui font aujourd’hui autorité chez les
Orientaux. Son Kechf el‑Asrar (secrets
dévoilés) est un ouvrage p.156 très étendu, et son abrégé du Moudjez (ou compendium de la logique d’Avicenne)
est bon comme livre d’enseignement. Son abrégé du Djomel [18], remplissant quatre feuillets et
embrassant le système entier de la logique et les principes de cet art,
continue jusqu’à nos jours à servir de manuel aux étudiants et à leur être
d’un grand secours. L’étude des livres des anciens et de leurs méthodes fut
alors abandonnée ; ce fut comme si ces ouvrages n’avaient jamais existé,
et cependant ils renfermaient tous les fruits et toutes les connaissances
utiles que la logique peut fournir. C’est là une remarque que nous avons faite
plus haut. Au reste, Dieu dirige vers la
vérité.
Les anciens musulmans [19]
et les premiers docteurs scolastiques désapprouvèrent hautement l’étude de la
logique et la condamnèrent avec une sévérité extrême ; ils la prohibèrent
comme dangereuse et défendirent à qui que ce fût d’apprendre cet art ou de
l’enseigner. Mais leurs successeurs, à partir d’El‑Ghazzali et de l’imam Ibn el-Khatîb,
se relâchèrent un peu de cette rigueur, et dès lors on s’y appliqua avec
ardeur. Un petit nombre de docteurs continue toutefois à pencher vers l’opinion
des anciens, à montrer de la répugnance pour la logique et à la repousser de la
manière la plus formelle. Nous allons exposer les motifs qui portaient les uns
à favoriser cette étude, et les autres à la désapprouver, et nous ferons ainsi
connaître les résultats auxquels ont abouti les doctrines professées par les savants
(des deux classes).
*114 Les théologiens qui inventèrent la
scolastique, ayant eu pour but de défendre les dogmes de la foi par l’emploi de
preuves intellectuelles, adoptèrent pour bases de leur méthode un certain
nombre d’arguments d’un caractère tout particulier, et les consignèrent dans p.157 leurs
livres. Ainsi, pour démontrer la nouveauté
(ou non‑éternité, a parte
ante) du monde, ils alarmèrent
l’existence des accidents et leur nouveauté ; ils déclarèrent qu’aucun corps n’en était dépourvu, et en tirèrent
cette conséquence, savoir, que ce qui n’est pas dépourvu de nouveautés (ou d’accidents non‑éternels)
est lui-même nouveau (non-éternel).
Ils mirent en avant l’argument de l’empêchement
mutuel pour démontrer l’unité de Dieu [20] ;
ils se servirent des quatre liens qui
attachent l’absent au présent [21] pour démontrer l’éternité des
attributs.
Leurs livres renferment plusieurs autres
arguments de cette nature. Voulant ensuite appuyer leurs raisonnements sur une
base solide, ils dressèrent un système de principes qui devait leur servir de
fondement et d’introduction. Ils affirmèrent, par exemple, la réalité de la
substance simple (des atomes), l’instantanéité du temps (c’est-à‑dire que les temps se composent d’une série
d’instants), et l’existence du vide [22].
Ils rejetèrent (l’opinion que) la nature (formait une loi immuable) et (celle
de) la liaison intelligible des quiddités
entre elles (niant ainsi la causalité). Ils déclarèrent que l’accident ne
dure pas deux instants de temps (mais qu’il est créé de nouveau à chaque
instant par la puissance toujours active de Dieu), et enseignaient que l’état, envisagé comme une qualité propre à
tout ce qui existe, n’est ni existant p.158
ni non existant [23]. C’était sur ces principes et sur
quelques autres qu’ils fondaient les arguments spéciaux dont ils se servaient.
Cette doctrine était déjà établie quand
le cheïkh Abou ’l-Hacen (el-Achari) et le cadi Abou Bekr (el‑Bakillani)
et l’ostad (ou maître) Abou Ishac (el‑Isferaïni) enseignèrent que les arguments
servant à prouver les dogmes étaient inverses
(rétroactifs), c’est‑à‑dire que, si on les déclarait nuls, on admettait la
nullité de ce qu’ils devaient démontrer. Aussi le cadi Abou Bekr regarda‑t‑il
ces arguments comme tout aussi sacrés que les dogmes mêmes, et déclara‑t‑il
qu’en les attaquant on attaquait les dogmes dont ils formaient la base.
Si nous examinons, toutefois, la logique,
nous voyons que cet art roule entièrement sur le principe de la
liaison intelligible (c’est-à‑dire que l’intelligence aperçoit d’une
manière évidente qu’il y a liaison réelle entre la cause et l’effet) et sur
celui de la réalité de l’universel naturel du dehors (les
universaux objectifs), auquel doit correspondre l’universel (subjectif) qui est
dans l’entendement et qui se partage en cinq parties bien connues,
savoir : le genre, l’espèce, *115 la différence, la propriété et l’accident
général. Mais les théologiens scolastiques regardaient cela comme faux et
enseignaient que p.159
l’universel et l’essentiel étaient de simples concepts [24],
n’ayant rien qui leur correspondît en dehors de l’entendement ; ou bien,
disaient‑ils, ce sont des états [25]. La dernière opinion était, celle des
scolastiques qui admettaient la doctrine des états. De cette manière se trouvaient anéantis les cinq universaux,
les définitions dont ils sont les bases, les dix catégories et l’accident
essentiel. Cela entraînait la nullité des propositions nécessaires et
essentielles (les axiomes ou premiers principes), celles dont les caractères
sont spécifiés, selon les logiciens, dans le Livre de la Démonstration (les derniers analytiques). La cause intelligible [26] disparaissait aussi, ce qui ôtait toute
valeur au Livre de la Démonstration et
amenait la disparition des lieux qui forment le sujet principal du Livre
de la Controverse (les topiques), et dans lesquels on cherche le moyen qui sert à réunir les deux
extrêmes du syllogisme. Ainsi rien ne restait (de la logique), excepté le
syllogisme formel (l’enthymème). D’entre les définitions (disparut) celle qui
est également vraie pour tous les individus de la (catégorie) définie ;
définition qui, n’étant ni trop générale ni trop restreinte, n’admet pas des
individus étrangers à cette catégorie et n’en exclut aucune qui y appartienne. C’est
la définition que les grammairiens appellent réunion et empêchement, et que les scolastiques désignent par le
terme généralisation et conversion [27]. De cette façon on renversait toutes
les colonnes de la logique.
p.160 Si (au contraire) nous admettons ces
principes avec les logiciens, nous anéantissons une grande partie des principes
que les scolastiques adoptèrent pour servir d’introduction à leurs doctrines,
et cela amènerait nécessairement la ruine des preuves [28]
au moyen desquelles ils cherchèrent à démontrer la vérité des dogmes, ainsi
que nous l’avons déjà dit. Aussi, les anciens scolastiques condamnèrent-ils
absolument l’étude de la logique et déclarèrent que l’emploi de cet art était,
soit une hérésie, soit un acte d’infidélité, selon le genre de preuve que l’on
détruisait par son moyen.
Les scolastiques plus modernes, à partir
d’El‑Ghazzali, (changèrent d’opinion) ; ayant consenti à reconnaître que
les preuves des dogmes n’étaient pas inverses,
et que la nullité de la preuve n’entraînait pas celle de la chose prouvée,
s’étant aussi convaincus que *116 les logiciens avaient raison en ce qui
regarde la liaison intelligible, l’existence
des catégories [29]
naturelles et l’existence des universaux en dehors de l’entendement, ils
déclarèrent que la logique n’était pas contraire aux dogmes de l’islamisme,
bien qu’elle n’admît pas certaines preuves qui avaient servi à démontrer ces
dogmes. Ils allèrent même plus loin, et trouvèrent des arguments pour détruire
un grand nombre des principes, qui formaient la base de la scolastique
(ancienne). Aussi finirent‑ils par nier l’existence de la substance simple (les
atomes) et du vide, et par admettre la durée de l’accident, etc. Pour
remplacer les principes qu’on avait employés (jusqu’alors) dans le but de
prouver la vérité des dogmes, ils en adoptèrent d’autres dont ils avaient
reconnu l’exactitude par la spéculation et par le raisonnement. Ils déclarèrent
même qu’en faisant ainsi ils ne portaient aucune atteinte aux dogmes orthodoxes.
El-Ghazzali professait la nouvelle doctrine, et ses disciples, jusqu’à nos
jours, ne l’ont pas abandonnée.
Quand le lecteur aura considéré ce que
nous venons d’exposer, il pourra distinguer à quelles sources les hommes
savants (dans cette p.161 partie) ont puisé leurs doctrines et de quels lieux ils
les ont tirées. Dieu est le guide dont le
concours mène à la vérité.
[1]
Pour ﺔﻔﻮﺭﻌﻣﻠﺍ , lisez ﺔﻔﺭﻌﻣﻠﺍ avec les
manuscrits C et D, l’édition de Boulac et la traduction turque.
[2]
Littéral. « pour faire connaître les quiddités ».
[3]
Littéral. « conformes ».
[4]
Je lis ﺎﻣﻬﻨﻳﺒ avec l’édition de Boulac.
[5]
Pour ﺎﺒﻨﻠﺍ , lisez ﺕﺎﺒﻨﻠﺍ avec les manuscrits, l’édition de Boulac et la
traduction turque.
[6]
Les manuscrits C et D, l’édition de Boulac et la traduction turque nous autorisent
à remplacer ﺢﻴﺤﺼﺘ par ﻞﻴﺼﺣﺘ .
[7]
Je suis de l’avis du traducteur turc ; il a rendu les mots ﻼﻣﺟ ﻼﻣﺟ
par ﺔﭼﺭﺎﭙ ﺔﭼﺭﺎﭙ « pièce par pièce ».
[8]
Ce titre n’est pas indiqué dans le Dictionnaire bibliographique de Haddji Khalifa.
On verra plus loin qu’il servait à désigner une collection de traités
d’Aristote dans laquelle on avait fait entrer tout l’Organon et l’Isagoge de Porphyre.
[9]
L’auteur aurait dû écrire quatre, mais
il a tenu compte de l’Isagoge. C’est probablement par mégarde
qu’il a compté huit livres seulement dans le kitab el‑Fass ; d’après ses propres indications, il y en avait
neuf.
[10]
Il me semble que l’auteur aurait dû écrire de
deux espèces.
[11]
Il faut insérer, entre les mots ﺭﺎﺒﺗﻋﻻﺍ et ﺐﻮﻠﻁﻤ , le passage suivant :
[12]
Pour ﺀﺎﻣﻜﺤﻠﺍ , lisez ﺀﺎﻣﻜﺤ .
[13]
Je lis ﻞﺻﻔﻠﺍﻮ ﻉﻮﻨﻟﺍﻭ avec le manuscrit C
et la traduction turque et tous les traités de logique.
[15]
Notre auteur a déjà indiqué quelles étaient les sept sciences philosophiques.
(Voy. ci-devant, page 123.)
[16]
Selon les logiciens arabes, on désigne une chose par le genre et la différence
les plus proches, ou par la différence la plus proche, soit seule, soit jointe
au genre le plus éloigné, ou par le genre le plus proche joint à une propriété,
ou par une propriété, soit seule, soit jointe à un genre éloigné. La définition
ﻒﻳﺮﻌﺗ de la première classe s’appelle définition
parfaite ﻢﺎﺗﻠﺍ ﺪﺣﻠﺍ ; celle
de la deuxième classe, définition
imparfaite ﺹﻗﺎﻨﻠﺍ ﺪﺣﻠﺍ ;
celle de la troisième classe, description
parfaite ﻢﺎﺗﻠﺍ ﻢﺴﺮﻠﺍ , et celle de la quatrième classe, ﺹﻗﺎﻨﻠﺍ ﻢﺴﺮﻠﺍ description imparfaite.
[17]
Abou Abd Allah Mohammed Ibn Namaouar el‑Khouendji, docteur chaféite et grand
cadi d’Égypte, remplit les fonctions de professeur au collège Salehiya, et composa
plusieurs ouvrages sur la logique. Il mourut en 642 (1245 de J. C.) ou en 649,
selon Haddji Khalifa.
[18]
Je suis porté, à croire qu’il faut lire dans le texte arabe ﻩﺭﺻﺗﺧﻣ à la place de
ﺭﺻﺗﺧﻣ et traduire : « Son abrégé, le Djomel. » (Voy. le Dictionnaire bibliographique de Haddji
Khalifa, tome II, p. 623 et tome VI, p. 399).
[19]
Ce paragraphe et les paragraphes suivants portent en tête le mot ﻞﺻﻔ section, tant dans le manuscrit A que dans
la traduction turque, et sont précédés par le mot ﺓﺪﻳﺎﻔ renseignement utile, dans le manuscrit C. Ils ne sont pas dans
l’édition de Boulac.
[20]
Voyez ci-devant, page 52.
[21]
Les Acharites enseignaient que Dieu était savant au moyen d’un savoir, puissant
au moyen d’une puissance et voulant au moyen d’une volonté qui lui étaient propres.
Les anciens docteurs de cette école employaient, pour démontrer ce principe,
plusieurs arguments dont l’un était de juger de ce qui était absent ou invisible, par ce qui était présent, ou visible. Ils disaient, selon
l’auteur du Mewakef, édition de Leipsick,
p. ۳۱, que la cause, la définition et la condition du présent s’appliquent sans différence aucune à l’absent ;
car il est certain que la cause qui rend savant un être présent, c’est le savoir, et qu’il en
est de même pour l’être absent ; que
la définition qui constate qu’un être est savant s’applique également à l’être présent et à l’être absent, et que la condition qui assure la certitude de l’origine
d’un homme présent, c’est la
certitude de la racine d’où il sort, et cela est également vrai pour l’homme
qui est absent. — Nous avons ici, il me semble, trois des liens dont parle Ibn Khaldoun ; quant au quatrième, je ne l’ai
pas trouvé.
[23]
Le terme états s’employait par
certains Motazelites et par quelques docteurs de l’école acharite pour désigner
les universaux. « Ces docteurs admettaient, sinon comme êtres réels, du
moins comme êtres possibles ou en puissance, certains types universels
des choses créées. Ces types offrent quelque analogie avec les idées de
Platon ; mais les docteurs musulmans, ne pouvant admettre l’existence
d’êtres réels entre le Créateur et les individus créés, leur attribuent une
condition intermédiaire entre la réalité et la non‑réalité. Cet état possible, mais qu’il faut bien se garder
de confondre avec la hylé d’Aristote,
est désigné par le mot hal, qui signifie condition, état ou
circonstance. Ils appliquaient
aussi leur théorie aux attributs divins en général, en disant que ces attributs
ne sont ni l’essence de Dieu, ni quelque chose en dehors de son essence :
ce sont des conditions ou
des états qu’on ne reconnaît
qu’avec l’essence qu’ils servent à qualifier, mais qui, considérés en eux‑mêmes,
ne sont ni existants ni non existants et dont on ne peut dire qu’on les connaît
ni qu’on les ignore. » — (Mélanges de philosophie juive et arabe par M. Munk, p. 327. Voy. aussi le Guide des Égarés, vol. I, p. 375 et suiv.) La définition
qu’ils donnent des universaux et qu’Ibn Khaldoun reproduit ici est longuement
expliquée dans le Dictionary of technical
terms, p. ۹۵۳.
[24]
Littéral. « des considérations de l’entendement ».
[25]
Voy. la note de la page précédente.
[26]
La cause intelligible est celle dont une chose a besoin pour exister.
[27]
Notre auteur n’a pas rapporté exactement ces termes techniques qui, du reste,
sont employés également par les logiciens et par les grammairiens. Le terme généralisation et empêchement indique
que ce qui est affirmé par la définition doit être identique avec ce que la
chose définie donne à entendre, et le terme réunion et conversion
signifie que ce qui est vrai de la chose définie doit être également vrai de la
définition de cette chose. Dans le premier cas, c’est l’accord de la
définition avec la chose définie, et dans le second, c’est l’accord de la chose
définie avec sa définition. — En attribuant au verbe ﺪﺮﻂ le sens de généraliser, je suis l’autorité du commentateur
des Séances de Hariri, p. ۵۴۳ l.
8 et 10 de l’édition de M. de Sacy. Ibn Khaldoun l’emploie aussi dans ce
sens ; voy. Prolégomènes, texte arabe, t. I, p. 354, l. 3.
[28]
Pour ﻢﺘﻟﺪﺍ , lisez ﻢﻬﺘﻟﺪﺍ .
[29]
Littéral. « des quiddités ».
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